Les déchets de certaines rues sont comme des paysages

escadinhas do marquês de ponte de lima, Lisbonne

entre deux escaliers, il y a un espace plan. Un cul-de-sac d’un côté et la rue qui continue de l’autre. Des habitations tranquilles des chats, des pigeons qui ont été fournis en refuge et eau, l’arbre voisin qui dépasse du mur pour donner de l’ombre à l’impasse et aux mauvaises herbes. Des mauvaises herbes, il y en a partout. Elles composent avec les pavés et le ciment irréguliers de cette partie de rue.
Il y a aussi les murs d’un côté les décapés, ceux qui laissent apparaître une couleur d’un autre temps et de l’autre, des pierres texturées étrange, hyper régulières.
En face, un bâtiment abandonné. Un immeuble dont les fenêtres ont été bouchées avec du bois aggloméré et c’est sur son trottoir que tous les jours le paysages de déchets se forme et se reforme.
Une fois c’était des tournesols en plastique et une vielle peluche ventre à terre au milieux des cartons eventrés et des meubles en formica ou en plastique blanc. L’autre fois seulement deux sac poubelles couleur lavande et des petits bouts de laine, comme des confettis étalés de manière régulière sur les pavés noirs comme sur les pavés blanc du trottoir.
Quelques traces humaines viennent se rajouter à l’ensemble. Des graffitis bleu éclatant, certains ont l’air de former des mots, peut-être un blaze, d’autres sont des dessins qui répondent aux couleurs des murs décapés.
Quand j’observe ces éléments, mon souhait n’est pas de les étudier pour les identifier et les classifier, les organiser dans un tableau représentatif des lieux gentrifiés, des lieux mixtes, hybrides- la danse qui est apparue a le désir de com-poser, de faire avec, de penser avec, danser aux côté des déchets contre le mur, à l’intérieur d’une atmosphère – l’atmosphère n’étant pas un tout dans lequel j’entrerais intact mais un environnement avec lequel je (suis) co-compos·é·e, une atmosphère dont je ne me différencie pas . Je veux me fondre au paysage.
Devenir tour à tour mur, déchet, vent, sol, humain, plante, mais sans qu’il y ait un arrêt où l’on puisse m’identifier avec certitude comme tel.
Isadora Dantas qui a témoigné de l’émergence de cette danse a remarqué que j’étais comme descaladamente camouflado, en français camouflé sans pudeur, c’est à dire qu’au lieu de devenir transparent je deviens une tâche, vive, aussi vive que le graffiti sur la façade abandonnée, une texture déchet, particulier parmi les particuliers, sans qu’un rapport de force entre ce qui compte et ce qui ne compte pas s’installe. La transparence ou l’invisibilité serait un état où le particulier se fond dans le tout en gardant intrinsèquement sa forme. Ce que cette danse propose de (me faire) faire en revanche c’est devenir matière, tee-shirt vert détendu, enfant qui regarde dans un trou, graffiti avec un autre graffiti, herbe dansée par le vent.
Il y a quelque chose de l’anti-texture dans l’invisibilité telle qu’elle est représentée dans les films de super-héro·ïnes.
Je préfère pour ma part me (con)fondre en des objets particuliers, devenir seulement une partie de mon corps ou plutôt la relation qu’elles entretiennent avec d’autres corps, plastique, pierre, ciment, végétal.
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